Il est aujourd’hui communément admis que la biologie ne divise pas les êtres humains en deux sexes distincts. Il existe deux groupes principaux de personnes (transgenres et intersexes) qui échappent à la division binaire que la plupart des gens considèrent comme acquise. C’est l’origine des concepts différents de sexe et de genre.
Sexe et genre
Le sexe est défini par le génotype humain et se rapporte aux différences biologiques entre les « mâles » et les « femelles » (Bassett et al., 2020). Le genre, lui, est un concept façonné par les perceptions que les hommes et les femmes ont d’eux-mêmes, par les constructions sociales et par les attitudes et attentes culturelles.
Participation à des compétitions sportives
Depuis plusieurs années maintenant, certaines athlètes femmes transgenres souhaitent participer à des compétitions sportives, ce qui nécessite de déterminer les conditions dans lesquelles ces personnes peuvent concourir dans leur nouvelle catégorie de genre. Le débat actuel sur l’inclusion des athlètes transgenres dans les compétitions sportives est centré sur les différences biologiques entre les sexes et en particulier entre les femmes transgenres et les femmes « cis ».
Sur le plan sportif, il parait raisonnable de permettre aux athlètes femmes transgenres de concourir avec d’autres athlètes féminines si, et seulement si, l’inclusion de ces athlètes n’altère pas indûment leur santé et leur sécurité et garantit l’équité et le sérieux des compétitions.
Droit conditionnel
Le Comité International Olympique (CIO) a publié son nouveau « cadre pour l’équité, l’inclusion et la non-discrimination sur la base de l’identité sexuelle et de l’intersexuation » le 16 novembre 2021[1]. Après deux ans de consultations auprès de plus de 250 personnes, l’instance a établi un constat, à savoir l’impossibilité de définir des directives uniformes, comme elle le faisait depuis 2003, tant la question est complexe et confronte respect des droits de la personne et maintien de l’équité sportive.
Présomption de non-avantage dans la performance
Ce nouveau cadre rédigé principalement dans une perspective particulière de respect des droits de l’homme, réserve en réalité très peu de considération pour les questions médicales et scientifiques liées à la question de la participation des personnes transgenres et intersexe aux compétitions sportives. Il remplace le consensus du CIO de 2015 sur le changement de sexe et l’hyperandrogénie qui avait été mis en place et conclu à la suite d’une réunion de spécialistes juridiques et scientifique et qui s’était concentrée sur les aspects scientifiques et médicaux du sexe, du genre ainsi que de la performance. En 2015, l’instance olympique s’était concentrée sur la détermination de seuils admissibles de testostérone, mais il n’y avait malheureusement pas de consensus scientifique sur la manière dont cette hormone influe sur la performance sportive.
Ces nouvelles « directives » du CIO 2021 mettent au premier plan la notion de présomption de non-avantage dans la performance selon laquelle « jusqu’à preuve du contraire, les athlètes ne devraient pas être considérés comme bénéficiant d’un avantage compétitif injuste ou disproportionné en raison de leurs variations de sexe, de leur apparence physique ou de leur statut de transsexuel ».
Force est de reconnaître que cette nouvelle approche contraste fortement avec le résultat du consensus du CIO de 2015.
Renversement de la présomption de non-avantage dans la performance (preuve du contraire)
Même si le CIO s’abstient bien de le souligner, il semble clair que ce point se réfère à l’hormone androgène testostérone et qu’il ne doit, dès lors, pas y avoir de présomption d’avantage en raison de concentrations élevées de testostérone dans la fourchette masculine de 9,2-31,8nmol/L pendant de longues périodes.
Pourtant, les études scientifiques qui ont été menées ces dernières années confirment que des concentrations élevées de testostérone, qu’elles soient endogènes ou exogènes, confèrent un avantage de base aux athlètes participants à certains sports. Par conséquent, il est évident que pour que l’intégrité et l’équité du sport soient respectées, les avantages de base que confère un taux de testostérone élevé doivent être reconnus et pris en compte, comme cela a été « accepté » par le passé.
Il est donc demandé par le CIO à chaque Fédération Internationale de tenir compte des aspects éthiques, sociaux, culturels et juridiques particuliers qui peuvent être pertinents dans leur contexte et d’élaborer des règles réfléchies.
Le CIO laisse ainsi désormais la responsabilité à chaque fédération internationale de renverser la présomption de non-avantage dans la performance et de rapporter la preuve du contraire en adoptant une réglementation qui détermine « comment un athlète peut être avantagé de manière disproportionnée par rapport à ses pairs, en tenant compte de la nature de chaque sport ».
Réglementation des fédérations internationales
En mars 2020, l’Union Cycliste Internationale (UCI) a publié des règles régissant la participation des athlètes transgenres aux compétitions du Calendrier International UCI dans la catégorie correspondant à leur nouvelle identité de genre. Bien que ces règles fussent plus strictes et restrictives que celles édictées par le CIO en 2015, l’UCI a entamé une réflexion sur leur ajustement en raison de la publication de nouvelles études scientifiques en 2020 et 2021.
Les dernières publications scientifiques démontrent clairement que le retour de marqueurs des capacités d’endurance au « niveau féminin » se fait entre six à huit mois sous basse testostérone, alors que les adaptations attendues de la masse musculaire et de la force/puissance des muscles prennent beaucoup plus de temps (deux ans au minimum selon une étude récente). Compte tenu du rôle important joué par la force et la puissance musculaires dans les performances cyclistes, l’UCI a décidé de porter la période de transition sous testostérone basse de 12 à 24 mois. De plus, l’UCI a décidé de baisser le taux maximal autorisé de testostérone plasmatique (actuellement de 5 nmol/L) à 2,5 nmol/L, dès le 1er juillet 2022. Cette valeur correspond au taux maximal de testostérone qu’on observe dans 99,99 % de la population féminine.
Cet ajustement des règles d’éligibilité de l’UCI repose sur l’état des connaissances scientifiques actuelles dans ce domaine et vise à favoriser l’intégration des athlètes transgenres dans le sport de compétition, dans le respect du maintien de l’équité, de l’égalité des chances et de la sécurité des compétitions. Ces règles pourront bien évidemment être modifiées dans le futur en fonction de l’évolution des connaissances scientifiques.
La Fédération Internationale de Natation (FINA) vient, de son côté, de restreindre la participation des athlètes transgenres femmes à ses compétitions (la règlementation permet aux femmes transgenres qui ont fait la transition avant l’âge de 12 ans de participer à des courses féminines).
Il semble que World Athletics (anciennement IAAF) ainsi que l’International Rugby League aient elles également la volonté d’interdire la participation de ces athlètes à leurs compétitions.
Conclusions momentanées
Il ne fait aucun doute que la problématique de l’élaboration de règlementations visant à la participation des athlètes transgenres dans certains sports ne fait que commencer et que des programmes de recherche devront être mis en place afin d’étudier l’évolution des performances physiques de sportifs très entraînés sous traitement hormonal de transition.
Perspectives futures
Tokyo2021.ch va suivre avec attention les évolutions futures.
CV / Juillet 2022
[1] https://olympics.com/cio/news/le-cio-publie-son-cadre-sur-l-equite-l-inclusion-et-la-non-discrimination-sur-la-base-de-l-identite-sexuelle-et-de-l-intersexuation